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MINES RDC : Suspension de l’exportation du cobalt, risque ou stratégie pour l’économie ? Entretien avec Monsieur Magloire MUYUNGENU SANAMA expert en préparation des minerais, ancien chef des bureaux d’étude métallurgique a boss mining, ancien consultant mine et exploitation artisanale au ministère des mines au Lualaba.

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La décision du gouvernement congolais de suspendre temporairement l’exportation du cobalt, en réponse à la chute des prix et à la surabondance de l’offre, reflète l’importance stratégique de ce minerai. En tant que premier producteur mondial de cobalt, la République Démocratique du Congo (RDC) joue un rôle clé dans l’approvisionnement global de ce métal essentiel pour la fabrication des batteries des véhicules électriques.

La demande en cobalt a en effet explosé au cours des dernières décennies, en particulier avec l’essor des technologies vertes et des véhicules électriques. Cependant, cette forte demande a été accompagnée par des fluctuations des prix, dues à des facteurs comme la surproduction ou les tensions géopolitiques. En suspendant les exportations, le gouvernement cherche à réguler cette offre excédentaire et à protéger les intérêts économiques du pays, tout en évitant une trop grande volatilité des prix qui pourrait affecter ses revenus et l’équilibre du marché mondial du cobalt.

Cette stratégie soulève des questions stratégiques et économiques importantes, surtout au regard de l’impact du cobalt sur l’économie du pays et du contexte géopolitique mondial, aussi des questions sur la dépendance de la RDC à l’égard de l’exploitation minière pour ses revenus et sur les enjeux de durabilité et d’éthique dans l’exploitation du cobalt, étant donné les conditions de travail difficiles et les impacts environnementaux liés à l’extraction de ce minerai.

1. La décision : stratégie ou risque ?

La suspension de l’exportation du cobalt peut être vue comme une stratégie à court terme pour réguler le marché international et valoriser ce minerai, qui représente environ 70 % des réserves mondiales. Pour Magloire Muyungenu Sanama, expert en préparation des minerais, chef des bureaux d’étude métallurgique a boss mining, ancien consultant mine et exploitation artisanale au ministère des mines au Lualaba, cette décision comporte un risque certain, mais c’est aussi une stratégie affirmée. La RDC tente de reprendre le contrôle sur la chaîne d’approvisionnement et se faire respecter face à des acheteurs, notamment chinois, qui ont tendance à considérer les ressources congolaises comme acquises. L’idée est de valoriser le cobalt congolais, d’affirmer la souveraineté et de s’assurer que la RDC bénéficie davantage des profits générés par cette ressource.

2. Impact sur l’économie :

La RDC, en tant que premier producteur mondial de cobalt, est en position de force. Toutefois, le pays dépend fortement de cette ressource pour ses revenus d’exportation. La suspension pourrait engendrer une perte de recettes immédiates, surtout si d’autres pays producteurs comme la Zambie ou l’Indonésie saisissent l’opportunité pour renforcer leur part de marché. Cependant, si la demande mondiale reste stable et que la RDC réussit à imposer des prix plus élevés, cette décision pourrait se traduire par une réévaluation positive du cobalt congolais, ce qui augmenterait les recettes nationales a dit monsieur Magloire MUYUNGENU

3. Exploitation artisanale et sociale :

IL précise que L’exploitation artisanale du cobalt, qui est une source de revenus pour de nombreux Congolais, est également un aspect crucial de cette suspension. La décision pourrait affecter gravement les mineurs artisanaux qui vivent de cette activité, particulièrement dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga. Ces mineurs, souvent dans des conditions de travail dangereuses et peu rémunérées, risquent de voir leur source de revenus interrompue, ce qui pourrait entraîner des troubles sociaux et une augmentation du travail clandestin.

De plus, la situation dans les mines artisanales est déjà marquée par de graves abus, tels que le travail des enfants, des conditions de travail dangereuses, et une exploitation injuste par des acheteurs étrangers, notamment chinois. La réduction du prix du cobalt dans ce secteur pourrait exacerber ces problèmes, mais en même temps, elle pourrait aussi offrir une opportunité de réorganiser ce secteur et d’introduire plus de régulation, tout en offrant une meilleure protection aux mineurs artisanaux.

4. L’impact politique et les mesures d’accompagnement :

Pour Monsieur Magloire MUYUNGENU le gouvernement congolais a pris cette décision dans un contexte où les relations avec les acteurs étrangers, notamment les entreprises chinoises, sont complexes. En plus de la suspension, des mesures d’accompagnement devraient être mises en place pour soutenir les mineurs artisanaux et garantir que les revenus issus de l’exploitation minière bénéficient davantage à la population locale. Un exemple de mesures efficaces pourrait être l’investissement dans des infrastructures locales et des programmes de formation pour les mineurs, ainsi que des politiques fiscales plus justes pour assurer que les profits soient partagés plus équitablement.

5. Le défi du contrôle et de la réglementation :

L’une des préoccupations majeures est de savoir si la RDC pourra réellement contrôler et réguler la production artisanale de cobalt tout en soutenant l’exploitation industrielle. La réalité sur le terrain montre qu’une partie importante du cobalt est extraites illégalement dans des conditions dangereuses, et l’absence de régulation pourrait accentuer ces problèmes. Pour que cette mesure soit efficace, la RDC devra mettre en place des infrastructures et des mécanismes de régulation stricts, afin d’assurer que la suspension ne profite pas uniquement à des acteurs étrangers tout en négligeant les besoins de la population locale.

6. Conclusion :

La décision de suspendre l’exportation du cobalt pendant quatre mois représente un pari risqué mais nécessaire pour la RDC. Elle pourrait potentiellement offrir au pays l’opportunité de valoriser son cobalt et de mieux réguler le marché international. Toutefois, cela nécessite une gestion prudente, en particulier en ce qui concerne l’exploitation artisanale et la protection des mineurs, afin que les retombées sociales et économiques soient positives. Si la RDC parvient à tirer parti de cette mesure, elle pourrait se retrouver dans une position beaucoup plus forte pour négocier avec les acheteurs internationaux, et surtout garantir que les profits des minerais en faveur de son peuple.

En somme, la suspension des exportations de cobalt présente à la fois des risques économiques et des opportunités stratégiques, selon la manière dont elle est gérée et les objectifs sous-jacents du pays producteur.

Sandra UMBA / Severin KATAMBWA

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